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Publié le 1 décembre 2020 à 12h45

Jacob Molotov: un vétéran du rap québécois méconnu du public

Le rappeur Jacob Molotov est notre artiste du mois de décembre. Le Journal du hip hop vous présente en exclusivité le vidéoclip de sa chanson « Laisse Tranquille »  et une entrevue pour mieux connaître ce vétéran du rap québ.

 

 

 

 

 

Premièrement, explique-nous un peu ton parcours de vie jusqu’à aujourd’hui.

 

J’ai grandi à Québec, principalement sur la Rive-Sud dans une petite maison au bord du fleuve St-Laurent à jouer dans le bois avec les autres enfants du quartier. Maintenant, ils ont tout rasé ça pour faire une banlieue, mais dans le temps c’était le parfait équilibre entre la nature et la ville. Mes parents se sont séparé quand on était assez jeunes ce qui fait qu’avec mes frères on traversait le Pont de Québec souvent. La famille, ça a toujours été important pour moi, j’ai 4 frères et comme je suis le plus vieux de la gang, j’ai développé un côté très protecteur. À l’âge adulte, j’ai déménagé à Montréal pour aller à l’université et maintenant j’habite dans Verdun avec ma femme et nos 4 enfants, notre propre petite meute.

 

 

 

Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans le rap et depuis combien de temps tu fais ça ?

 

Je fais du rap depuis 22 ans, j’ai toujours été un moulin à paroles avant même de penser en rimes. Je changeais fréquemment d’école et quand t’es le petit nouveau il faut apprendre vite à se défendre, des fois avec les poings, mais le plus souvent avec les mots. Mon sens de la répartie était déjà bien aiguisé et j’avais une bonne carapace quand on s’est mis à faire des freestyle battles dans les party, j’avais peur de rien ni de personne. Pour moi, mes chums et mes frères, la vie c’était skateboard, basketball et hip-hop. J’ai rencontré 2Faces qui à l’époque était de la Constellation, pas mal le seul de notre quartier qui avait réussi dans le rap. Il m’a invité en studio, le premier beat qu’on a fait ensemble c’est devenu la chanson « 83 ». Il m’a montré comment faire un verse avec mes rimes et ce qu’on a enregistré s’est retrouvé sur l’album Hip Hop 101, dans la chanson « Appel Local » avec Pagail. Le premier show que j’ai fait c’était Berceau de l’Amérique à la salle Paul-Bouillé, ceux qui étaient là se rappelleront à quel point c’était intense comme expérience. J’ai eu la piqûre de la scène, plus tard j’ai formé le groupe bilingue Classick avec Frime et j’ai rejoint le collectif Sagacité avec lequel on a sillonné la province en spectacle avant de contribuer à la fondation du label qui allait devenir Coyote Records.

 

 

 

Pourquoi avoir choisi Jacob Molotov comme nom de scène ?

 

Au début de ma carrière je roulais sous le nom de D’Jackal, inspiré du film avec Bruce Willis basé sur le terroriste mercenaire Carlos le Chacal. En fait, je portais un t-shirt du film avec le nom écrit sur le cœur pendant un freestyle dans la cour de l’école secondaire et il y a une fille qui m’a dit : « C’est cool comme nom d’MC, bonne idée d’avoir fait des t-shirts avec ». J’ai trouvé ça génial et j’ai gardé le nom. Le Molotov est arrivé plus tard. J’aime le concept d’une bombe artisanale fabriquée avec les moyens du bord, qui explose quand on y met le feu. C’est vraiment comme ça que je vois chacune de mes chansons, chacun de mes couplets, chacune de mes punchlines. En plus, j’ai tendance à éclater d’énergie chaque fois que j’embarque sur une scène alors le nom va bien avec ma personnalité. Jacob c’est mon vrai prénom, de toute façon tout le monde m’appelle Jacob dans le milieu, fait que D’Jackal Molotov est devenu Jacob Molotov tout naturellement.

 

 

 

Tu as récemment sorti un lyric vidéo du single « Picnic» avec KNLO. Comment s’est faite cette collaboration ?

 

Je connais bien KNLO, Eman et Claude Bégin depuis bien avant qu’ils forment le groupe À La Claire Ensemble. Je faisais déjà des shows dans les bars avec Eman et Claude dans les débuts de leur duo Accrophone, alors que les gars n’avaient pas encore 18 ans. La première fois que j’ai rencontré KNLO il était devant la scène à un de mes shows et il connaissait par cœur les paroles de ma chanson « Rime Parfaite » featuring Maest et Nazbrock. On s’est tout de suite bien entendu, c’est le premier rappeur franglais que j’ai trouvé vraiment bon. « Picnic » s’est fait à la suite d’une soirée bien arrosée dans les bars. Je ne me souviens pas où on était avant, mais on est rentré chez moi avec une gang et dans le studio de mon ancien coloc Carl de HS Prods il y avait le beat de « Picnic » qui nous attendait par hasard prêt à enregistrer. KNLO crée très rapidement, en mode écriture automatique, en moins de 45 minutes on avait composé et enregistré les couplets, puis on a continué à faire la fête. Le lendemain, Carl nous a fait compléter le refrain avec la partie en français, on était une demi-douzaine à s’époumoner dans le booth. Quand j’ai su que KNLO avait gagné album rap de l’année à l’adisq je me suis dit que c’était le bon moment pour mettre « Picnic » en ligne.

 

 

 

Est-ce que cette chanson est pour préparer le terrain d’un prochain projet ?  

 

Oui, c’est le single qui annonce l’arrivée de mon album Cocktail Explosif Volume 1 qui sera en ligne le 21 décembre, mais ceux qui me connaissent savent que ce n’est pas un nouveau projet, c’est le douzième anniversaire de cet album que je vendais dans mes shows mais je ne l’avais jamais mis sur les plateformes de streaming. Je fais ça parce qu’en fait Cocktail Explosif Volume 2 s’en vient pour très bientôt, j’ai une quinzaine de chansons qui sont écrites et à différentes étapes de la réalisation. D’ici là, j’ai une série de sorties de singles qui a commencé cet automne avec « Rien de Pareil » et « Au nom de mes frères » et qui se poursuit en décembre avec « Laisse Tranquille » dont le vidéoclip est disponible aujourd’hui et « Killa Weed » featuring Eman, Webster, Frime et Mocy dont le lyric vidéo sort cette semaine.

 





Selon toi, qu’est-ce qui te distingue des autres rappeurs québécois ?

 

Je suis d’abord et avant tout un lyriciste d’expérience avec un fort penchant pour les rimes complexes, les punchlines percutantes et les allusions mémorables. J’ai passé depuis longtemps mon trip de me prendre pour le meilleur et d’insulter les autres dans mes chansons. Maintenant, chaque chanson que je crée a une intention et un message clair. J’ai rien contre l’utilisation de l’autotune et les flows traps mais j’ai pas envie d’en mettre partout dans mes œuvres. Je ne me prends pas pour un gangster, mais je ne fais pas non plus dans le rap joyeux. Je mets beaucoup d’émotions dans mes textes et dans mon ton de voix. Je veux juste rester vrai même si je fais beaucoup dans l’hyperbole.

 

 

 

 Tu sembles entretenir une bonne relation avec le réputé beatmaker Nazbrok. Qu’est-ce qu’il représente pour toi dans ta vie de tous les jours ?

 

Des amis comme James Lee aka Nazbrock j’en ai pas beaucoup, ils savent qui ils sont et ils se comptent sur les doigts d’une main. À mes yeux mes meilleurs amis sont des frères et mes frères sont mes meilleurs amis, ça forme une belle famille. La première fois que j’ai vu Nazbrock il était derrière la console dans le studio de Sagacité. Il ne m’a même pas dit bonjour, il a dit : «  C’est toi Jacob ? Tu fais du freestyle ? Tiens rappe là-dessus ». Il a parti un beat, j’étais pas prêt du tout et ça n’a rien donné de bon, mais le ton était donné. Depuis que j’habite à Montréal, je sais que je peux appeler James Lee à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Je passe le chercher, on va en studio, il drop un beat et on a une chanson absolument magnifique qui se crée en claquant des doigts. On a tellement de tracks ensemble qu’on pourrait sortir un single par semaine pendant un an facilement, mais Nazbrock est un perfectionniste incorrigible et c’est une lutte sans fin pour lui faire admettre qu’une chanson est terminée. J’ai plein de projets avec lui qui s’en viennent s’il veut bien me laisser les publier !

 

 

 

 

Dis-nous ce que tu aimes le plus et ce que tu aimes le moins de l’industrie hip-hop au Québec en 2020 ?

 

Ce que j’aime le plus dans le rap québ c’est de voir aller un gars comme Souldia, que j’ai rencontré en l’affrontant dans un freestyle battle mémorable au Dagobert à Québec qui a fini à égalité après trois rounds d’overtime, de le voir se construire un crowd de fans d’une loyauté sans faille à force de persistance et d’acharnement, de voir son talent brut se peaufiner au fil du temps et prendre une direction inattendue complètement originale. J’aime voir un spécialiste de la rime et des punchlines comme Loud dominer les ondes radio et devenir viral sur YouTube avec son éloquence et sa nonchalance unique en son genre. J’aime la créativité et la bonne humeur contagieuse des MC comme Fouki, KNLO et Eman qui m’impressionnent à chaque fois que j’entends leurs trucs. J’aime le comeback des rappeurs comme Imposs et les gars du 83, une gang de vétérans dans laquelle j’ose m’inclure qui revient alimenter un public large et intéressé par une multitude de styles de rap différents. J’aime moins le flirt avec le gangstérisme et la misogynie qui reste présent dans le hip-hop et qui ne me semble vraiment pas approprié surtout au Québec, mais même de ce côté-là, on a des gangsters rappeurs québécois solides comme Connaisseur, Enima et les gars de 5sang14 qui font de la très bonne musique malgré tout.

 

 

 

 

Quel est le meilleur album de rap que tu as écouté dans ta vie ?

 

Ce n’est pas une question qui se pose à mes yeux. Pour wmoi le rap et la musique en général c’est pas une compétition avec un gagnant qui se retrouve au sommet. Un album c’est une œuvre d’art, il y a des albums que j’aime, d’autres que j’apprécie moins, mais de là à dire qu’un album serait le meilleur, non je n’irai pas jusque là. Je pourrais me la jouer old school et faire un top 5 des albums classiques que j’ai bien aimé comme « All eyes on me » de Tupac, « Aquemini » de Outkast, « Black Album » de Jay-Z et « Slim Shady LP » d’Eminem, mais pour être bien honnête je n’écoute plus vraiment ces albums. Je suis toujours à la recherche de nouveautés et j’aime mieux parler des albums qui m’ont marqué dans les dernières années. Par exemple, « X 100pre » de Bad Bunny est vraiment venu me chercher même si je ne comprends rien de ce qu’il dit. Il y a quelque chose au niveau des tonalités, des flows et des mélodies qui transcende la barrière de la langue. J’ai aussi bien apprécié « East Atlanta love letter » de 6lack, l’univers qu’il y crée est vraiment unique et inoubliable. Ces deux albums ont tourné en boucle dans mes oreilles pendant des mois.

 

 

 

À quoi peut-on s’attendre de toi pour l’année 2021 ?

 

À une avalanche de singles, de featurings, de vidéoclips, de lyric vidéos et au moins un album, Cocktail Explosif Vol. 2. J’ai tellement de chansons en banque que je pourrais sortir des inédits non-stop mais j’arrête pas d’écrire de nouvelles œuvres qui sont tellement d’actualité que j’ai pas le choix de faire une alternance entre les incontournables que j’ai en réserves et les nouveautés. Ce que je peux garantir c’est que tout ce que j’ai à offrir vient directement du cœur, je fais la musique que j’aime à ma façon et personne d’autre au monde ne peut le faire comme moi. Pour ceux qui sont down avec la vibe, venez me voir sur mon site web jacobmolotov.com et abonnez-vous à ma YouTube channel pour la suite des choses.

 

 

 

 

 

 

 

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