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Publié le 21 février 2022 à 13h50

Anthony Pen: vivre de la musique avec le syndrome de la Tourette

La rédaction du JDHH vous présente aujourd’hui le rappeur Anthony Pen. Âgé de 25 ans et d’origine cambodgienne, Anthony a grandi dans le quartier ville Saint-Laurent à Montréal. Il vient de lancer son clip intitulé « Bankroll » et prévoit dévoiler d’autres singles. 

Derrière cet artiste talentueux se trouve un être humain confronté à la maladie du syndrome de Gilles de la Tourette. Une maladie neuropsychiatrique caractérisée par la présence de tics moteurs et vocaux associés à divers troubles neurodéveloppementaux.

 

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Voici ses réponses à nos questions.



Depuis combien de temps tu rap et qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans ce domaine ? 

Ça fait maintenant cinq ans que je fais de la musique. J’ai grandi avec deux plus vieilles sœurs qui aimaient beaucoup le Hip-Hop/R&B et lorsqu’elles me gardaient, elles jouaient constamment des CDs.

Je dirai que tous ces moments passés avec elles ont plus tard eu un impact sur mon choix de poursuivre la musique. Je me souviens d’avoir passé mes journées à regarder des vidéos à la télé quand j’étais jeune ainsi que de rechercher des artistes qui m’inspiraient à chanter et danser. Par la suite, mon syndrome de Gilles de la Tourette m’a aussi beaucoup influencé à faire du rap. J’ai été diagnostiqué à l’âge de sept ans et depuis, j’en souffre toujours.

J’ai passé beaucoup de moments difficiles en grandissant avec ce syndrome et la musique m’a énormément aidé durant ces périodes. Faire du rap m’a permis d’échapper de la réalité dont je vivais et c’était une sorte de thérapie qui m’aidait à faire ressortir mes émotions. C’était aussi mon journal intime que j’utilisais pour mettre de l’avant mes expériences. Grâce à la musique, j’ai pu trouver ma voie et c’est pour cette raison que je me suis lancée dans ce domaine.

 

 

À quel degré ta maladie du syndrôme de la Tourette affecte ton quotidien ?

Quotidiennement, c’est très difficile en milieu public. Les gens ne comprennent pas toujours ma situation. Il y a des gens qui passent des commentaires et qui se fâchent contre moi. Au secondaire, j’ai tout de même souvent eu des problèmes avec certains gens qui ne comprenaient pas nécessairement ma situation.

Les gens que je côtoyais n’avaient pas toujours espoir en ma capacité de réussite. Personnellement, je ne prenais jamais ses commentaires à coeur mais cela a tout de même eu des répercussions sur ma confiance. Par la suite, la Tourette m’affecte aussi mentalement et physiquement. Les médicaments que je prends depuis un jeune âge crée beaucoup d’anxiété, de paranoïa et de sauts d’humeur.

De plus, ceux-ci perdent parfois leur effet à bout de temps donc je dois toujours m’adapter à de nouveaux médicaments, ce qui n’est pas idéal. Physiquement, mes tics peuvent apporter plusieurs blessures tels que de gros maux de tête ou des coupures. Ça devient très pénible car mes tics sont constamment en répétition. Puisque mon syndrome réagit plus en présence d’émotions, il est difficile pour moi de les contrôler et c’est ainsi que la musique entre en jeu afin de m’aider à les oublier. 




Pourquoi avoir choisi de rapper anglais au lieu de français ?

En fait, j’ai grandi dans un milieu plus francophone. J’ai fait mes études du primaire jusqu’à l’université en français. Je pense que ce qui m’a influencé à rapper/chanter en anglais sont mes deux grandes sœurs qui écoutaient principalement la musique anglophone (Beyoncé, Usher, Jay-Z etc…).

Je pense que les moments passés avec elles ont eu un impact important sur mon choix de faire de la musique en anglais. Je parle aussi couramment en français et anglais, mais l’anglais a toujours été la langue dans laquelle j’ai été le plus à l’aise. Je suis toutefois entièrement ouvert à rapper/chanter en français dans le futur.

Je trouve que c’est un avantage que nous avons ici à Montréal. La plupart des gens parlent au moins deux langues. Je pense que ça serait une bonne idée plus tard d’intégrer le français dans mes chansons. J’envisage même de collaborer avec des artistes francophones dans l’avenir.

 

 

Selon toi, qu’est-ce qui te différencie des autres rappeurs anglophones de Montréal ? 

Au niveau du son, je suis un artiste très mélodique et ça paraît énormément dans mes chansons. En fait, les accords que j’utilise proviennent majoritairement du jazz.

Cette sonorité plus mélodieuse m’a toujours plu et je trouve qu’elle se mélange parfaitement avec mon flow qui est plus rap/chanté. Plus spécifiquement, je considère que j’ai un son plus sombre, doux et mélodieux, ce qui est idéal pour écouter dans l’auto le soir. Acoustiquement, je dirai que c’est ce qui me différencie des autres artistes du Québec.

On pourrait même dire que mon style se rapproche plutôt du R&B que du rap. Aussi, je trouve que j’ai une histoire assez unique qui n’a jamais encore été racontée. Je compare mon expérience avec la Tourette à une relation amoureuse car les deux représentent une similarité. En couple, tu apprends à connaître ton/ta partenaire à travers le temps.

Tu réalises ensuite que cette personne a autant des défauts qu’elle a des qualités et que tu dois apprendre à la côtoyer. C’est la même chose avec la Tourette. Les tics ne sont pas très présents à la jeunesse mais ensuite, deviennent très sévères à l’adolescence et l’âge adulte. Ils créent beaucoup d’anxiété et peuvent même nuire à tes relations. Par contre, Il suffit d’apprendre à gérer ses émotions et de trouver des solutions efficaces afin de vivre en harmonie, tout comme dans une relation.




Ton single « Bankroll » est disponible partout. Qu’est-ce qui t’a inspiré à écrire cette chanson ?

Le concept derrière Bankroll est une relation toxique entre couple. J’ai filmé la vidéo avec La Cours Des Grands avec qui on a décidé du thème de la vidéo. On a voulu filmer en noir et blanc parce que Bankroll est une chanson très sombre qui explique mon vécu avec la Tourette.

Il y a beaucoup de hauts et de bas quand tu vis avec ce syndrome. La Tourette engendre beaucoup d’anxiété, de doute et même de paranoïa, notamment à cause des médicaments. Il y a des périodes où je vivais beaucoup de solitude et de rage, ce qui se reflète bien avec la vidéo en noir et blanc.

Dans le clip, la poupée voodoo représente le mal qu’une personne me cause et fait référence à la Tourette. J’explique que cette personne ne m’aime que pour l’argent et que malgré tout, nous sommes inséparables car mon syndrome fait partie de moi. À la fin de la vidéo, on perçoit la poupée brûlée qui signifie la rupture entre nous. Cependant, ce schéma est sans succès et le malheur parvient tout de même à me hanter.

 




Pour toi le rap c’est un hobby ou tu aimerais en faire une carrière ? 

J’aimerais en faire une carrière certainement. Je dirais qu’au début, je voyais ça plus comme un passe-temps. Lorsque j’ai fini le cégep, j’ai pris une année sabbatique afin de trouver de nouveaux intérêts.

Durant ce temps, j’ai pris des cours de musique pour apprendre à faire des beats. La musique a toujours été un intérêt depuis que je suis jeune mais je n’avais jamais pris l’initiative d’y essayer. C’est durant cette période que j’ai pu expérimenter dans ce domaine.

C’est finalement en automne 2018 que je suis rentré en communication à l’Université de Montréal. Durant mon court séjour à l’université, j’avais énormément de problèmes de concentration puisque mon syndrome m’empêchait d’être attentif. Je passais beaucoup de temps aussi à faire de la musique donc j’ai décidé d’arrêter mes études et de lancer ma carrière. Ce n’était pas une décision facile à prendre car je viens d’une famille asiatique traditionnelle.

Les études sont très importantes pour nous et j’ai toujours été encouragé à graduer de l’université. Par contre, la musique m’a donné espoir de pouvoir réussir dans ma vie et mes parents sont aujourd’hui très soutenant envers ma décision. Mon but ultime avec la musique est d’inspirer le plus de gens et de leur montrer que c’est possible malgré les obstacles avec lesquels on vit.

 



Avec quel artiste d’ici ou d’ailleurs tu aimerais collaborer dans le futur ? 

J’aime beaucoup The Weeknd. Il a eu un impact important à mes débuts. J’ai toujours été attiré par son côté plus sombre et mystérieux, ainsi que l’univers dans lequel il plonge son audience. J’admire le fait qu’il est capable de créer un personnage qui explique ses expériences à travers la musique tel que démontré dans sa vidéo Blinding Lights.

Je trouve que j’ai aussi créé mon propre personnage à travers mon histoire et que le mélange de nos mondes peut créer un univers musical très intéressant. Je voudrais aussi collaborer avec Timbaland. J’ai grandi en écoutant ses productions sur les chansons de Justin Timberlake, Aaliyah et Missy Elliott.

Il a inspiré une génération avec son style de production unique durant les années 2000s. Il utilise beaucoup de mélodies qu’il mélange avec des sons de percussions naturels de sa voix. Je suis grandement influencé par ce son des années 2000s et j’aimerais réinventer ce style avec une touche plus moderne d’aujourd’hui. De Montréal, j’aimerais collaborer avec High Klassified.

Je suis sa carrière depuis quelques années et je trouve qu’il se démarque beaucoup des autres beatmakers en termes de son.

 

 

Entre faire du rap et faire des beats, qu’est-ce que tu préfères et pourquoi ? 

Je dirais que j’ai autant de plaisir à faire les deux. Je fais tout moi-même en commençant avec la composition du beat jusqu’à l’écriture et l’enregistrement des paroles. Je passe beaucoup de temps dans mon studio et je dirais que c’est l’expérience complète que j’apprécie faire.




Penses-tu sortir un projet solo éventuellement ?
 

Pour l’instant, je me concentre sur des singles et vidéos que je sortirai régulièrement. Par la suite, c’est certain que j’envisage sortir un projet solo d’ici un an. Ça reste à voir…

 

 

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Voyez son clip « Bankroll » dès maintenant.

 

 

 

 

 

Tags : Anthony Pen