Survivant des bas-fonds et de la pauvreté: Nada revient sur scène

On débute la semaine avec une nouvelle découverte, le rappeur Nada. Dan Duclos de son vrai nom, a grandi dans les dédales de la pauvreté. Sa mère jonglait avec des fins de mois difficiles, mais de ces luttes est né un homme résilient.
Aujourd’hui devenu père, il a redéfini sa destinée, transformant les obstacles en escaliers vers la grandeur. Il possède désormais un label indépendant qui porte son empreinte, alternant entre sa carrière artistique et l’ingénierie sonore, Nada nous a raconté son parcours dans un entretien exclusif.
Voici ses réponses à nos questions…
Pour ceux qui ne te connaissent pas, quel âge as-tu et de quel quartier viens-tu ?
J’ai tout juste 30 ans, et mon parcours est un peu atypique. À cause de l’instabilité de ma mère et des familles d’accueil que j’ai fréquenté, nous avons souvent déménagé et j’ai grandi en partie à Terrebonne, chez mon grand-père. Ensuite, vers 5 ans, on est partis à Montréal.
On a habité dans le quartier Villeray, sur l’avenue De l’Épée, puis dans Hochelaga-Maisonneuve, rue Aylwin, jusqu’à mes 8 ans. Après ça, on a vécu à Saint-Hubert, à Brossard, et on changeait souvent de place. Finalement, à 15 ans, j’ai fini par m’établir à Trois-Rivières, où je vis toujours aujourd’hui.
J’étais quand même pas mal souvent en mouvement autour de l’avenue L’Archevêque et des rues voisines à Montréal-Nord, ce qui a marqué cette période de ma vie. Sans parler de l’urgence sociale qui a gobé une partie de mon adolescence.
Peux-tu nous parler de ton parcours de vie et de ce qui t’a poussé à faire du rap ?
Ma mère a toujours eu des difficultés financières, et moi j’étais toujours mis dehors de l’école. Ce qui a fait qu’on n’a jamais pu rester plus de deux ans au même endroit. À l’école, je faisais des vagues, et mon père était incarcéré. Ma mère, elle, galérait pour joindre les deux bouts et n’arrivait pas à trouver de stabilité amoureuse.
J’ai donc fréquenté des écoles pour jeunes en difficulté, comme Le Déclic à Longueuil (école pour trouble comportemental) et Iberville à Saint-Hubert en classe sévère. C’est avec mes amis qu’on a commencé à écouter du rap en boucle, ce qui m’a donné le goût de m’y mettre sans décision de le distribuer.
Ma mère sortait souvent avec des Européens, et un d’eux m’a donné une cassette de rap, Ma Cité Va Craquer, que j’ai écoutée jusqu’à la connaître par cœur. Elle espérait que je prenne un chemin plus pacifique que je continue la guitare et le chant, mais j’ai vite compris que « faire la paix » dans notre monde, c’est loin d’être évident. Vers 18-19 ans, j’ai commencé à déraper, et ça m’a attiré des ennuis. Le rap est devenu mon seul moyen de raconter mon vécu et d’occuper mon temps.
Pourquoi avoir choisi « Nada » comme nom d’artiste ?
Mon premier track, qui s’appelait Partis de Nada, bien qu’il soit pas parfait musicalement, a marqué le début. »Partis de rien » c’est ce qui m’a inspiré pour mon blaze. Mon prénom, Dan, à l’envers donne Nad, et en ajoutant un « A », ça fait Nada, qui signifie « rien » en espagnol. Ça représente bien mon parcours, car je suis parti de zéro. Ce nom symbolise aussi l’idée que, dans ce monde on est rien, on est juste des humains qui essaient de survivre. Bien que je sois Québécois, je me sens plus connecté à une culture mondiale et j’aime intégrer des influences variées dans mon art.
Quel message voulais-tu transmettre à travers ton album Cinéma sorti en 2020 ?
Cet album est vraiment personnel. Les quatre premières chansons ont été écrites pendant la compétition Rap Académie, où les thèmes et styles étaient imposés. J’ai progressé dans la compétition, mais je n’ai pas gagné, parce que je préférais parler de mon vécu. J’étais dans une période sombre, et ça a créé des tensions avec les attentes du concours.
Chronologie de l’album :
• Pourquoi c’est moi : Une chanson de concours que j’ai utilisé pour parler de mon parcours et rappeler qu’on ne choisit pas d’où on vient, mais on peut choisir ce qu’on devient.
• Aspect : J’y parle de quelqu’un qui a blessé ma mère, de mes opps à Trois-Rivières, et de mes problèmes juridiques.
• Écran : Un morceau où j’évoque mes racines, mes croyances et où je m’adresse à ma fille, qui avait deux ans à l’époque.
• Drôle de hasard : J’évoque la douleur de perdre des amis, que ce soit par décès ou incarcération, et les décisions à prendre pour avancer.
• Imposé : Dernière track du concours où j’ai intégré des mots imposés tout en racontant des parties de ma vie et de mes croyances religieuses.
• Fissdeup : La compétition terminée, j’ai écrit pour m’adresser à un gars que je considère comme un vrai « snake. »
• Quand je sors en ville : Je parle de ma vie et j’envoie un clin d’œil à une femme attirée par l’argent.
• Elle : C’est à ce moment-là que je rencontre une femme différente des autres, avec qui je suis toujours aujourd’hui. Nous avons eu trois enfants ensemble depuis.
• Que du shit : Je reviens sur mes anciennes habitudes. Je raconte pourquoi j’y suis encore et ce que je souhaite pour m’en sortir.
• Feel good : Une soirée bien arrosée où je parle de mes projets et de mon désir de me ranger pour mes enfants.
Les autres morceaux sont des collaborations avec des amis, des sons plus « bruts » avec des messages et un peu plus de « braggz ».
Pourquoi avoir nommé le projet ainsi ?
L’album suit un ordre chronologique, chaque chanson représentant une phase de ma vie. Avec tout ce que j’ai traversé, ça ressemblait vraiment à un film, d’où le nom Cinéma. Bien que l’album ait été mixé sans connaissances, je tenais à ce côté « self-made ».
Comment décrirais-tu l’évolution de ton style musical depuis cet album ?
Aujourd’hui, je prends des cours de mixage, je rencontre des gens dans le milieu, et je laisse certaines choses derrière pour me concentrer sur ma famille et ma musique. Mon son est plus travaillé, je fais plus d’efforts sur les détails, et je m’améliore aussi en montage vidéo. Je reste « self-made, » mais j’aimerais un jour collaborer avec une équipe pour évoluer davantage dans la musique.
Quelles sont tes sources d’inspiration pour écrire ?
Je dirais principalement les grands noms du rap européen ( IAM, NTM, Booba, La Fouine, etc.). Plus jeune, j’écoutais beaucoup la scène québécoise aussi, surtout montréalaise. Mais aujourd’hui, j’essaie de rester unique et authentique dans mon style tout en suivant les tendances.
Tu es le cofondateur d’Alliance Records, un label indépendant. Quels artistes ou genres musicaux souhaites-tu promouvoir ?
Pour l’instant, je me concentre surtout sur le rap. Mon objectif principal avec Alliance Records est de gérer ma propre distribution tout en gardant 100 % de mes droits. C’est une manière de sécuriser mon indépendance, mais aussi de tourner la page sur des expériences compliquées avec certains labels québécois qui n’ont pas toujours été à la hauteur en termes de soutien.
J’ai aussi quelques artistes sous le label, notamment Klandestin, un talent avec qui je travaille et en qui je crois énormément. Je consacre beaucoup d’énergie à son développement, car je pense qu’il a un vrai potentiel.
Mon ambition est d’élargir notre catalogue d’artistes à l’avenir, mais avec prudence. Je veux éviter de m’engager dans trop de projets à la fois et risquer de ne pas pouvoir les gérer efficacement.
Si tu pouvais revenir en arrière, quel conseil te donnerais-tu pour débuter dans la musique ?
Focus sur la musique, laisse le reste de côté, et apprends à bien mixer avant de sortir un album, mdr. Sois constant et investis dans du bon matériel. La musique demande du temps et des connaissances. Si je suis toujours là, c’est parce que ma motivation m’a toujours poussé en avant.
Qu’attendons-nous de Nada en 2025 ?
De la qualité, un message différent, et des moves stratégiques pour faire connaître mon nom dans l’industrie. J’apprends chaque jour sur comment faire les bons moves donc rien n’est encore parfait.
Des personnes que tu aimerais saluer pour le mot de la fin ?
D’abord, un gros merci à ma mère, qui a tout fait pour me garder sur le droit chemin malgré les difficultés. Rest in peace à tous mes gars partis durant le parcours, et que ceux enfermés soient bientôt libres. Merci à Yannick L’italiano pour sa motivation à apprendre et à Big Steve pour sa foi en nous.
Un clin d’œil à tous les haters, c’est grâce à vous qu’on en parle!
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Cliquez sur l’image ci-dessous pour écouter l’album « Cinéma » sorti en 2020
