Renaître de l’obscurité : le rappeur Champ parle de sa guérison après l’abus spirituel
La rédaction du JDHH vous invite aujourd’hui dans le récit poignant d’un artiste de Montréal qui a été confronté dans le passé à l’abus spirituel au sein de son église. Alors qu’il partage son expérience à travers son nouveau livre « Le Code du pimp spirituel », nous explorons le courage et la résilience qui ont mené Gabriel « Champ » Champagne vers la lumière après avoir traversé les ténèbres de la manipulation et de la trahison.
Dans cet entretien exclusif, Champ explique qu’il a également été touché par la perte tragique de proches, victimes d’assassinats, et a dû faire face à des difficultés dans un environnement urbain hostile. Son histoire est marquée par la douleur, la survie et la renaissance.
Découvrons ensemble comment cet artiste a transformé sa douleur en un message fort de guérison et d’espoir pour ceux qui ont vécu des épreuves similaires.
Voici ses réponses à nos questions..
Tu as quel âge et tu es de quel coin ?
J’ai 34 ans, né en haiti, vécu à St-Michel jusqu’à ma jeune adolescence et je vis à Anjou depuis 2001.
Pourquoi avoir choisi Champ comme nom de scène ?
Mon cousin Alex Dejean m’as suggéré ce nom lors de ma première session d’enregistrement au studio. Mon nom de famille est Champagne et mes textes empreints de positivisme cadraient bien avec le nom Champ. Donc Champ pour Champagne mais également Champ pour champion. Également un clin d’oeil pour la boxe car je suis un passionné de ce sport.
Depuis combien de temps tu rappes ?
J’ai commencé à rapper au secondaire avec D-Baby à l’académie de roberval.
J’imitais les plus vieux et jai écrit mes premiers textes à 13 ans sous l’influence des Sans Pression, Rainmen et Dubmatique.
Je pratiquais mon flow et en personnifiant des artistes comme Ludacris, Nelly et Tupac.
Depuis la sortie de tes premières vidéos en 2010, tu as pris une longue pause musicale. Pourquoi avoir attendu autant d’années pour revenir sous les projecteurs ?
Entre 2009 et 2011, j’ai perdu des proches et cela m’as beaucoup remis en question. J’ai premièrement perdu mon frère d’un accident d’auto, ensuite un ami (Louino Jeune) et mon cousin (Emmanuel Champagne) tous deux victimes de meurtres.
J’ai passé à travers une période sombre et je ne voyais pas le bout du tunnel. Je me suis donc laissé emporté par l’alcool, l’argent facile et la violence.
En 2012, en quête d’un sens à la vie, j’ai connu une église dans laquelle je me suis converti et j’étais devenu un fervent Chrétien. J’y ai connu un gérant d’artiste qui, étant pasteur, a influencé mon parcours musical.
J’ai fait du rap chretien durant 5 ans. À ma sortie de cette église, en 2017, j’ai dû me rendre à l’évidence que je faisais partie d’une secte.
Il m’a fallu près de 6 autres années pour revenir à moi-même et retrouver mon identité.
Pour me retrouver, j’ai eu recours à la thérapie et à plusieurs autres outils donc l’écriture. Étant originalement rappeur, j’ai pu découvrir d’autres ressources en moi en tant qu’auteur. J’ai donc entrepris en 2024 d’écrire un livre au sujet de mon expérience au sein de la secte chrétienne. Cette expérience fut positive et je crois avoir crée une oeuvre de grande qualité qui en aidera plusieurs.
Je tiens par la même occasion à encourager tout artiste à ne pas se limiter. Nous avons tendance à croire que notre art doit rester dans le cadre de ce que l’on connaît mais on serait surpris de voir l’étendue de notre potentiel si seulement on OSE.
Parlons de ton livre que tu as récemment sorti qui est intitulé « Le Code Du Pimp Spirituel ». Qu’est-ce qui t’a inspiré à écrire ce livre ?
Je suis ravi que tu poses cette question! L’inspiration derrière « Le Code Du Pimp Spirituel » vient de mon expérience personnelle au sein d’une secte chrétienne. Pendant cinq ans, j’ai vécu des moments de manipulation intense et de traumatisme, et ce livre est une manière pour moi de partager cette expérience et d’aider d’autres personnes à comprendre les tactiques utilisées par les sectes. Mon but est d’éveiller les consciences, d’aider ceux de l’externe à comprendre ce que vivent les victimes, et de contribuer à déstigmatiser la santé mentale. C’est aussi une façon de redonner à ma communauté et de promouvoir la santé mentale, en reversant une partie des bénéfices à un organisme à but non lucratif.
En 2023, tu as tourné ton clip Zenith au Senegal. Pourquoi avoir choisi le Sénégal pour le tournage et comment s’est déroulé ton passage au pays ?
Je voulais retourner aux sources, à la racine… Puiser de l’énergie de la terre mère. J’ai visité l’île de Gorée, la statue de la renaissance…
Pour moi c’était symbolique! J’ai passé quelques années à me perdre et il fallait que je me retrouve.
“Celui qui ne sait pas d’où il vient ne peut savoir où il va.”
L’objectif primaire de ce voyage était spirituel, mais la vie a fait en sorte que je connecte avec des producteurs bien connus là-bas. Le courant a passé et nous avons produit le clip en une journée.
As-tu un projet spécifique sur lequel tu travailles, et si oui, peux-tu nous dire quand est-ce que ce projet verra le jour ?
Je me considère comme un hypercréatif, j’ai toujours quelque chose qui tramme. Je prévois écrire un autre livre et d’autres projets qui risquent d’en surprendre plusieurs mais encore là, sortir des sentiers battus. Je veux démontrer que je suis plus qu’un rappeur. Par contre, l’expérience m’as appris de ne pas trop en divulguer avant même d’avoir posé les premières pierres solides d’un nouveau projet, je n’en dirai donc pas plus. Mais je tiens à mentionner que mon projet le plus important actuellement est MOI, investir sur ma santé physique, émotionelle et mentale. Je trouve que c’est un aspect que l’on néglige beaucoup trop souvent en tant qu’homme et en tant qu’homme noir plus particulièrement. Je souhaite défaire la stigmatisation sur le fait qu’un homme sache prendre soin de lui et ait parfois recours à des ressources pour se sentir mieux.
Que souhaites-tu que l’on retienne de ta musique une fois qu’on l’a écouté ?
Je souhaite que l’on retienne la profondeur des textes, que je livre de manière claire et efficace. Que l’on ressente l’émotion dans ma voix et dans mes gestes.
Selon toi, qu’est-ce qui te distingue des autres rappeurs de Montréal ?
J’ai chanté dans les bars, dans le hood, dans les shows de rap underground…
J’ai chanté devant la jeune chambre des commerces, dans des écoles, devant des professionnels… J’ai écrit un livre.
J’incarne le street mais j’ai le charisme et la prestance pour me présenter n’importe où.
Je me différencie car je suis une personne réfléchie, articulée et éduquée. Je suis également conscient de ma responsabilité en tant qu’artiste et de l’influence que je peux avoir sur ceux qui m’écoutent. Je pense être un artiste capable de naviguer efficacement entre la « Street » et le politiquement acceptable.
Peux-tu nous dire ce que tu aimes le plus et le moins de l’industrie hip hop au Québec en 2024 ?
Ce que j’aime le plus c’est de voir des vétérans du rap game comme Connaisseur Ticaso ou Imposs sortir des projets et êtres encore actifs. C’est comme de voir Lebron James à 38 ans qui score encore 30 points par match.
Ce que j’aime le moins c’est qu’on adopte tranquillement une culture de glorification de la violence. J’aimerais qu’on se responsabilise davantage en tant qu’artistes… Qu’on soit plus présents dans la communauté et qu’on règle les conflits sans violence pour donner l’exemple à la prochaine génération.
Des personnes que tu voudrais saluer pour conclure ?
Merci au Journal du HipHop pour cette entrevue!
J’aimerais saluer tous ceux qui se sont rendus jusqu’au bout. J’apprécie que vous vous soyez intéressés à mon histoire. N’hésitez pas à me contacter sur IG ou toute autre plateforme et au plaisir de collaborer ensemble . Je vous invite également à vous procurer mon livre « Le code du pimp spirituel » sur Amazon.
Retrouvez TRUST sur ses réseaux
Cliquez sur l’image et procurez-vous dès maintenant le livre « Le Code du pimp spirituel » sur Amazon.
