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Publié le 11 janvier 2021 à 17h19

Samian: « On est encore là. Nous sommes les racines du Canada ! ».

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Samian, rappeur canadien engagé pour la cause des Premières nations : « On a juste envie de se mobiliser. On est encore là. Nous sommes les racines du Canada ! »
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Originaire d’Amos, Samian a grandi dans une culture métissée entre coutumes canadiennes-françaises et algonquines au côté de la communauté de Pikogan en Abitibi-Témiscamingue. Passionné par le rap, il fait ses premiers pas sur scène avec le groupe de rap québécois Loco Locass en 2004. Dans la foulée, il remporte en 2006, le premier prix du meilleur vidéo-clip du Festival des peuples autochtones. Dans son premier album Face à soi-même, il dresse un constat amer sur la situation de la jeunesse amérindienne avec pour idéal une réconciliation entre les Premières nations et le peuple québécois, un leitmotiv toujours présent dans ses deux albums : Face à la musique et Enfant de la terre. Il y a tout juste un an, il sort un quatrième album : Le messager, un rap toujours aussi conscient et tolérant.

 

 

 

En tant qu’artiste engagé, il rappe et écrit de manière à éveiller les consciences : «On est peut-être dans un moment dans l’histoire du pays où on a le devoir de raconter notre histoire car malheureusement elle n’est pas assez bien enseignée. Certains ne veulent pas voir l’histoire en face. Il y a un gros manque d’éducation et d’ouverture».

 

 

 

 

Dans un live, organisé avec Survival International, Samian dénonce ces critiques courantes qu’il entend contre la reconnaissance de la colonisation au Canada : «Au Canada, on parle d’un génocide mais moins conséquent qu’aux États-Unis. C’était bien un génocide au compte-goutte sur le long terme. Cette situation est toujours active même après la loi sur les indiens de 1876. On parle beaucoup de racisme systémique car le Canada a été fondé sur cette mentalité, d’après cette loi. C’est à ce moment-là que les premières nations ont été éliminées ». Ainsi, le Canada est classé dans les trois meilleurs pays au monde où il fait bon vivre alors que pour les réserves amérindiennes le constat est nettement moins reluisant : le Canada est, cette fois-ci, classé 72ème, d’après lui : plus de 50 réserves n’auraient pas accès à l’eau. Beaucoup de gens ont été déportés de force : « Des peuples Inuits ont été déportés tellement loin : parfois certains ont marché pendant cinq voire six ans. Les chiens étaient même tués pour que les bases militaires américaines puisse s’installer ». Sa famille a aussi été victime de cette déportation forcée : «Mon village a été fondé en 1959. Ma famille a été déportée cinq fois. La loi sur les indiens est une loi des plus discriminantes. C’est comme si on était des enfants aux yeux du gouvernement. Même si cette loi évolue, elle est toujours active. On n’a plus les mêmes libertés qu’on avait sur nos terres. À l’intérieur de nos grandes forêts boréales, il y a des mines à ciel ouvert. Les peuples des premières nations n’ont pas les mêmes accès en termes de santé par exemple. C’est une violence structurelle.»

 

 

 

 

Encore aujourd’hui, il déplore le manque de considération envers les Premières nations : «On est très politiquement correct. Les politiciens n’arrivent pas à dire les choses : c’est vraiment un génocide ! On a juste envie de se mobiliser. On est encore là. Nous sommes les racines du Canada !». Samian est l’un des premiers rappeurs à chanter dans la langue algonquine. C’est donc grâce à la musique qu’il a pu s’exprimer pleinement : «C’est l’avantage de la musique. Je sentais une grande ouverture. Au Québec, ce genre de rap était encore méconnu, il y a quinze ans. Des pionniers comme Oka et Kashtin, dans les années 80, ont montré la voie en chantant en langue Innu».

 

 

 

 

“Beaucoup de gens me suivent depuis 15 ans et m’ont fait grandir en tant qu’artiste. La musique a un pouvoir plus grand que la politique. Avec l’art et la musique, on peut conscientiser d’une certaine façon. Quand on fait de l’art engagé, les gens qui nous soutiennent grandissent avec nous. Je réalise une sorte de décolonisation grâce à mon rap. J’ai aussi appris à me décoloniser mentalement » assure t’il. Le lien entre son rap et son engagement pour les communautés autochtones s’est fait naturellement : «Le rap me permet de revendiquer que j’existe et de dire ce que j’ai sur le cœur. J’étais un enfant très silencieux. Maintenant, les textes que j’ai écrits il y a quinze ans se retrouvent dans les manuels scolaires. Mon identité passe à travers la musique. C’est inexplicable». Et il reste optimiste pour l’avenir : « En matière d’engagement social, les gens ont fait beaucoup de chemin ». Fier de représenter les communautés amérindiennes du Canada, il soutient d’autres mouvements d’émancipation :  « Juste avant que Bolsonaro soit élu, je suis allé voir les communautés d’Amazonie. Pour eux, c’était un génocide à venir et c’est aussi quelque chose qu’on a vécu il y a plusieurs années. Depuis des générations, on dit que les peuples autochtones vont disparaître. C’est une question de résistance ! ».

 

 

 

 

 

 

 

Ses sons les plus engagés ? Génocide ou encore Plan Nord, un titre qui dénonce un énorme projet d’exploitation minière avec les ressources naturelles du Québec en jeu. Il publiera prochainement un cinquième album. 

 

 

 

 

 

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