Magic Jace: le retour d’un artiste après la tragédie
Dans un monde où la musique peut à la fois apaiser et exprimer la douleur, l’histoire de Jason Robillard alias Magic Jace est un témoignage fort de résilience. Après avoir traversé une période sinistre marquée par la perte tragique d’un ami et d’un combat acharné contre la dépression au début des années 2010, il s’est retiré de la scène musicale abruptement. Pourtant, au lieu de se laisser submerger par les tribulations, il s’est reconstruit et a pris la décision de s’engager dans un centre d’intervention en devenant intervenant pair-aidant pour apporter du soutien à ceux qui en ont besoin dans la région de Gatineau.
Cette nouvelle vocation lui a donné le moyen de surmonter ses défis tout en aidant les autres à surmonter leurs propres démons intérieurs.
Cette année, Magic Jace fera son retour sur scène avec son album intitulé « Sang Froid » qui paraîtra bientôt. Pour l’artiste de 36 ans, cet album n’est pas seulement une renaissance artistique, mais aussi une occasion de célébrer la force de l’esprit humain.

Pourquoi as-tu choisi le nom d’artiste « Magic Jace » ?
On m’a surnommé « Magic » pour la première fois à la fin d’une soirée de retrouvailles du secondaire que j’avais organisée, c’était en 2007. Malgré la présence de plusieurs amies, tous les yeux étaient rivés sur la « girl next door ». Les invités avaient tous quitté en fin de soirée, sauf un gars qui n’avait pas encore compris que la fille restait avec moi pour la nuit. Il me sert la main avant de quitter en me disant « Ce soir c’est pas Jace, c’est Magic Jace ». Un an après, jour pour jour, j’arrive au studio pour enregistrer ma première chanson et mon producer me demande « C’est quoi ton nom d’artiste?’ »…
Comment as-tu géré ta dépression pendant ta période de pause musicale ?
J’ai stoppé la consommation et je me suis isolé durant une période de près de 3 ans. Pas de texto, pas d’appel ni aucun contact avec la société. Je compare la dépression majeure à un « cancer de l’âme ». C’est comme survivre dans une prison mentale dont les barreaux sont conçus de pensées intrusives qui nous pourrissent l’existence. On en vient à se résigner à croire que nous ne serons plus jamais les mêmes. Ma première sortie publique durant cette dépression a été pour les funérailles de mon meilleur chum. Ce jour-là, je lui ai promis de profiter de la vie comme si c’était la sienne et je n’ai plus jamais regardé derrière. C’est en 2014 que je suis allé chercher l’aide dont j’avais besoin, dans un centre de réadaptation et réinsertion sociale pour personnes vivant avec des défis de santé mentale. Le Centre se nomme « Centre Inter-Section (CISG) ». C’est le même endroit où j’ai été engagé comme intervenant-pair aidant et où je travaille depuis maintenant 9 ans.
Quel impact la perte de ton ami proche a-t-elle eu sur ta vie ?
Cédric était mon meilleur ami et le plus grand fan de ma musique. La schizophrénie lui provoquait des hallucinations visuelles. Je m’en suis voulu de ne pas avoir été présent dans la voiture le soir de l’accident, parce que j’arrivais à l’aider à gérer ses phénomènes qui apparaissaient quand il conduisait. Je me suis dit que j’allais étudier dans le domaine de l’intervention pour faire une différence dans la vie des gens souffrants de trouble de santé mentale, comme lui et moi. Pour ceux qui ne savent pas, je vis avec un diagnostic de bipolarité depuis l’âge de 20 ans.
Peux-tu partager un moment marquant de ta lutte contre les pensées suicidaires ?
Le moment le plus marquant dont j’aime me souvenir est le soir où j’ai repris une plume dans ma main pour la première fois. Je me souviens que j’écoutais « Beautiful » de Eminem sur repeat et que j’étais tellement dans ma zone que mon cerveau supprimait les paroles du beat. J’entendais seulement l’instrumental. Mon blocage de l’écrivain a pris fin et les barres me venaient comme par magie. C’est à ce moment que j’ai composé les premières lignes de ma chanson « Prison Mentale » qui paraîtra sur mon album « Sang-Froid ».
En tant que pair aidant, quelles sont les valeurs les plus importantes que tu essaies de transmettre aux gens que tu aides ?
En tant qu’intervenant pair aidant, mon rôle est de redonner, semer, susciter l’espoir, en utilisant mon vécu expérientiel comme outil principal de travail. J’offre du soutien psychosocial en suivi dans mon bureau et j’anime des groupes axés vers le rétablissement (dont mon atelier d’écriture créative). J’accompagne mes pairs dans leur démarche vers le rétablissement, la réalisation de leurs objectifs, l’identification de leurs propres buts, objectifs, désirs et besoins. Je les guide à reprendre le contrôle de leur vie en prônant l’approche par les forces. Je crois que la résilience nécessaire au rétablissement se développe en donnant un sens aux malchances vécues. Une passion qui mène à un but qui nous permet de regarder de l’avant et se remettre à rêver… Des fois ça part d’une simple étincelle!
Quelles thématiques abordes-tu dans ton nouvel album « Sang Froid » ?
Chaque chanson sur l’album raconte les chapitres de ma propre histoire de rétablissement. Je décris mes états d’âme avec les mots qui m’ont permis de transformer les tourments du désespoir en résilience. J’aborde différents troubles de santé mentale, dont la bipolarité, la dépression et l’anxiété, ainsi que les mauvais choix, la toxicomanie et la dépendance affective. J’y aborde aussi évidemment l’espoir, la résilience, la détermination et l’importance de croire en ses rêves. « Sang-Froid » s’adresse à ceux qui se perdent, se cherchent et se retrouvent. Je crois que les rêveurs qui se sentent incompris, sous-estimés ou sous-appréciés s’y reconnaîtront.
Comment as-tu choisi les artistes avec qui tu as collaboré pour ce projet ?
J’appelle ma technique « Mix and match ». Je choisis un artiste que j’admire et j’identifie le style de chansons dans lequel je le trouve à son meilleur. Je trouve le concept et l’instrumental que je considère être le fit parfait pour travailler avec cet artiste. Je lui explique ma vision en lui envoyant une maquette de ce que j’ai fait. Je le laisse ensuite opérer sa magie. Je compose aussi pour d’autres artistes qui chantent sur mes tracks. Étant donné ma longue absence de la scène, j’ai mis extra-épices sur les featurings pour ce projet. Je suis conscient que les « OG’s » m’ont oublié et que les « ti-mounes » ne me connaissent pas encore.
Quelle est ta chanson coup de cœur de l’album et pourquoi ?
Damn bro! L’album contient 18 chapitres et ma pref change de semaine en semaine. Présentement, je te dirais « Lettre de Mélodie », en collaboration avec Mirani Coelho (Star Académie 2025). Cette chanson est probablement la plus personnelle et touchante de l’album. Dans le 1er verse, je rap la lettre de « Mélodie » qui m’en veut de l’avoir abandonné. Je lui réponds ensuite en faisant ses plus beaux éloges pour me faire pardonner et lui exprimer ma gratitude de m’avoir sauvé la vie. Sinon, je dirais « Les Mains du Seigneur (God’s hands) » qui est ma collaboration de rêve avec un rapper que je considère légendaire et que j’idolâtre depuis l’adolescence. Pour ne donner qu’un indice, le gars est un gorille de l’ancienne unité.
Comment décrirais-tu l’évolution de ton style musical depuis tes débuts ?
Le jour et la nuit ! Plus jeune, j’étais tellement en amour avec la culture que je voulais à tout prix rapper pour être un rapper. Aujourd’hui, je me considère comme un songwriter et raconteur d’histoires qui se sert du rap pour véhiculer un message d’espoir. Je considère que j’ai toujours eu un bon flow et delivery, mais lyricalement, je suis littéralement sur une autre planète que dans le passé.
Y a-t-il une histoire particulière derrière l’une des chansons de cet album que tu aimerais partager ?
Haha! La première qui me vient en tête est ma collaboration avec les gars de D12 (ancien groupe d’Eminem) que j’ai rencontré à 2 reprises et avec qui j’ai collaboré sur un morceau. Cette chanson ne se retrouvera pas sur la version standard de l’album. Le concept de la chanson est un délire collectif raconté par les alter egos de Swifty McVay, Kuniva, Bizarre et moi-même. C’est une chanson inspirée d’une situation désolante vécue dans mon cercle d’amis. L’alter ego de mon histoire se nomme « Belzebuth » et en avait long à dire ce soir-là, bref, je m’arrête ici. Le scénario de cette chanson est totalement fictif, contrairement aux 17 autres chansons. Elle est la dernière et seule chanson du projet qui n’est pas axé vers le rétablissement. Je n’oublierai jamais les réactions de T-Mo (Taktika) quand je lui ai fait écouter la maquette de cette collaboration, cet été, au Studio 383.
Des personnes que tu aimerais saluer pour conclure ?
J’appréhende souvent le jour où je devrai possiblement répondre à cette question en soulevant un trophée! Haha!
J’aimerais saluer tout le monde qui a travaillé de loin ou de près sur l’album, mais ce serait trop long. Je vais m’en tenir à l’équipe immédiate :
Mouayad « Eskal » Mahasen
Emmanuel « Manu Roy » Racine-Roy
Vanessa Roque
Maxime « DJ K-Turnaz » Desroches (Studio 383)
David « Quest » Leclair (Dreamland)
Francis Fournier Laflamme (NuWave)
Trunxks (Trunxks Beatz)
Pierre-Luc Darveau (Moderne Mastering)
*Shoutout spécial à Christelle D’amours (journaliste culturelle – Radio-Canada)
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Découvrez « Bottoms Up » avec T-Mo de Taktika et Canox
Cliquez ci-dessous pour écouter « Lettre de Mélodie » avec la chanteuse de Star Académie Mirani Coelho